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Et si les jeux nous faisaient réfléchir ?

Par Pascal Luban - Game designer & creative director, freelance


Quel est le point commun entre Les Misérables, Le Dictateur de Chaplin et E.T. de Spielberg ? Ils sont unanimement considérés comme des chefs d'oeuvre dans leur genre, mais pour quelle raison ?

Est-ce parce qu'ils offrent de l'action spectaculaire ? Ou en raison d'une histoire pleine de rebondissements ? Peut-être parce qu'ils sont drôles ?

Non. Ce sont des chefs d'oeuvre parce qu'ils parlent de nous. Ils parlent de notre recherche du bonheur, de notre soif pour un monde de paix et d'harmonie. Ils parlent de notre désir inconscient d'un monde meilleur.

Et leurs auteurs nous disent une chose : un tel monde est possible. Leur objectif est de nous faire prendre conscience que des actes ou des décisions, y compris au niveau de simples individus, peuvent orienter le monde dans la bonne direction.
Les chefs d'oeuvre ne se contentent pas de raconter des histoires, ils ont été écrits dans un but : nous faire réfléchir. Les grands auteurs veulent changer nos comportements, effacer nos ignorances et corriger nos préjugés.
En un mot, ils veulent nous faire réfléchir.

Guernica

J'affirme qu'il n'y a pas de raison que de tels chefs d'oeuvre n'émergent pas dans notre industrie. J'affirme aussi qu'ils donneront naissance à de meilleurs jeux.

De tels jeux commencent à apparaître, je pense notamment à This War Of Mine, le jeu de gestion-infiltration du studio Polonais 11 Bits. Le thème de ce jeu est la survie d'un groupe de civils dans une ville assiégée. Que nous dit ce jeu ? En premier lieu, il nous montre les horreurs vécues par les civils lors d'un siège. Dans une industrie ou nos produits ont tendance à banaliser - voire à glorifier - la guerre, c'est déjà un message fort, mais le jeu va beaucoup plus loin.

Un film ou un documentaire pourraient nous montrer exactement la même chose mais un jeu offre une perspective nouvelle et puissante : il nous transforme en acteur et nous met en situation de prendre des décisions, des décisions dramatiques. Par exemple, alors qu'un membre de votre groupe est malade, quelle décision prendrez-vous lorsque vous trouverez des médicaments dans une maison encore occupée par un couple de personnes âgés ? Les volerez-vous ? Les tuerez-vous ?

C'est parce que vous avez à prendre ce genre de décision, parce que vous êtes confronté à des situations que vous savez dramatiques, que vous développez de l'empathie envers les civils pris au piège.

Et lorsqu'on ressent de l'empathie envers des personnages d'un jeu vidéo, il se passe plusieurs choses :

  • D'abord, le message du jeu, de son auteur, apparaît dans toute sa puissance.
  • Ensuite, le jeu offre une expérience de jeu plus forte, plus qualitative, car elle génère des émotions plus fortes.

J'ai donc la conviction que des jeux susceptibles de générer ce genre de choc émotionnel représentent un des axes de développement de notre industrie.
Nous allons voir émerger de plus en plus de jeux dont l'objectif est de générer de fortes émotions, des jeux dont les protagonistes sont crédibles, des jeux qui offrent des situations auxquelles les joueurs peuvent s'intéresser, des jeux ou le joueur va ressentir de l'empathie envers des personnages, des causes, des situations.

Cette évolution me parait inéluctable pour plusieurs raisons :

  • D'abord, le poids croissant des "vieux" joueurs, c'est à dire ceux qui ont plus de 35 ans. Ils rechercheront des jeux moins superficiels.
  • Ensuite, les éditeurs et les studios réaliseront qu'une narration de qualité améliore l'expérience de jeu, et donc le potentiel commercial.
  • Enfin, des auteurs qui sauront utiliser le pouvoir de ce media vont émerger et feront passer leurs messages.

Notre industrie produira alors des jeux qui entreront dans le Panthéon de la culture mondiale et qui contribueront à l'avenir de l'humanité.


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Publié le 23 juillet 2018 par Emmanuel Forsans
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Commentaires des lecteurs

ThierryPlaton
ThierryPlaton
8 août 2018
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MP
Whaaooo, c'est l'illumination, là, Pascal ! ;-)
Par contre, les moins de 35 ans qui sont tous superficiels... Heu... Faudrait pas faire d'agéisme, non plus !!! :-))
Grinch
Grinch
21 août 2018
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MP
Pascal vous allez trop loin, et puis quoi encore ? Des jeux au MOMA ?
EvanBoissonnot
EvanBoissonnot
12 septembre 2018
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MP
Je comprends le but de votre article.
Cependant, j'ai l'impression qu'il a été écrit dans un univers parallèle : les jeux chef d'oeuvre existent déjà, non ?

Pouvez-vous détailler ce que vous attendez la dessus ?
Pascal Luban
Pascal Luban
12 septembre 2018
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MP
@EvanBoissonnot :

Bonjour et merci pour votre message. Il existe déjà d'excellents jeux qui sont considérés, dans l'industrie, comme des chefs- d'oeuvre. Nous les considérons comme tels car ils offrent de très bons gameplays. Mais combien de ces jeux ont-ils eu une influence sur nos valeurs, nos opinions, voire nos choix en tant qu'électeurs ? Très peu. Or, c'est cela qui défini le vrai chef d'oeuvre. Pensez aux oeuvres de Zola ou même à des films comme Kramer contre Kramer qui ont changé les opinions.

Je comprends que mon article soit sujet à polémique car il sort du schéma de pensée habituel des gamers et des game designers.
Grinch
Grinch
13 septembre 2018
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MP
Le MOMA considère "ses" jeux vidéo comme des chefs d'oeuvre pour leurs qualités graphiques et en effet, pas pour leurs messages.

Il faudrait que David Cage collabore avec Michel Houellebecq !

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