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Le secret des affaires : une protection stratégique


Au terme de nombreux débats parlementaires, la loi sur le "secret des affaires" a finalement été adoptée le 21 juin 2018, transposant ainsi la directive européenne 2016/943 du même nom, destinée à assurer la défense effective du "capital intellectuel" de l'entreprise, entendu de manière large.

Ainsi, à travers une harmonisation des droits des Etats membres et la protection, en amont, des projets et des idées, le secret des affaires offre une protection renforcée du patrimoine informationnel des entreprises et par là même, un avantage compétitif.

Avant cette loi, le "secret des affaires" n'existait pas en tant que tel en droit français, seul le recours aux mécanismes classiques de la responsabilité, de manière plus marginale celui de la protection des secrets de fabrique ou encore de manière très stricte le recours à certaines infractions pénales telles que le vol, permettaient de sanctionner la divulgation ou l'utilisation non autorisées d'informations dont le degré de confidentialité était variable.

1. Les informations éligibles à la protection du secret des affaires

Désormais, un nouvel article L151-1 du Code de commerce pose la réunion de trois critères comme condition de protection d'une information par le secret des affaires. Il en résulte que celle-ci doit :

  • Être difficilement accessible
  • Avoir une valeur commerciale
  • Faire l'objet de mesures de protection raisonnables

La largesse de ces conditions laisse une importante liberté d'interprétation aux magistrats qui auront à connaître de dossiers relatifs au secret des affaires.
Il faudra donc attendre les premières décisions rendues en la matière pour mieux comprendre ce qui pourrait être protégé ou non.

En pratique, il est conseillé aux entreprises d'engager, dès à présent, une véritable réflexion sur leur patrimoine informationnel en vue d'établir et de mettre en oeuvre un plan d'actions concrètes destiné à établir quelles sont les informations stratégies à protéger, leur attribuer une valeur commerciale et mettre en place un ensemble de mesures protectrices "raisonnables".

2. Les exceptions au secret des affaires

Le secret des affaires n'est toutefois pas absolu et les dirigeants d'entreprise devront garder à l'esprit que leurs informations pourront être divulguées et/ou utilisées pour certains motifs prévus par la loi et notamment pour les besoins d'une enquête, la protection d'un "intérêt légitime" ou encore l'exercice du droit d'expression ou d'information.

3. La réparation d'une atteinte au secret des affaires

En dehors de ces exceptions limitatives, pour le cas où une information protégée par le secret des affaires serait dérobée ou divulguée de manière illicite, l'entreprise pourrait engager la responsabilité civile de l'auteur du trouble afin d'obtenir réparation de son préjudice et faire ordonner par le juge des référés une série de mesures désormais inscrites dans le Code de commerce[1], telles que l'interdiction des actes de production de produits résultant de manière significative de l'atteinte au secret des affaires ou la destruction de tout document contenant le secret des affaires.

En ce qui concerne plus particulièrement l'étendue des dommages réparables, il est important de souligner que le législateur a consacré un principe de réparation dissuasive[2], identique à celui applicable en matière d'atteinte aux droits de propriété intellectuelle[3].

Ainsi, le préjudice s'entend non seulement des conséquences économiques négatives subies par l'entreprise victime, du préjudice moral causé mais également et c'est en cela que la sanction est dissuasive, des bénéfices que l'auteur de l'atteinte au secret des affaires aura tiré de la divulgation ou l'utilisation de l'information, y compris les économies d'investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci aurait retirées de l'atteinte.

En définitive, si les contours du secret des affaires restent encore à définir, les entreprises disposent désormais d'un dispositif renforcé et dissuasif, parfois complémentaire à la protection offerte par le droit de la propriété intellectuelle, au service de leur compétitivité et de leurs intérêts.

Me Julie Prost
Avocat à la Cour
Impala Avocats

Notes et références

1. L152-3 du Code de commerce

2. L152-6 du Code de commerce

3. L331-1-3 du Code de la propriété intellectuelle définissant les dommages résultant d'une atteinte à des droits de propriété intellectuelle.

Publié le 28 septembre 2018 par Emmanuel Forsans
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