Où ira la publicité demain ?
Matinée prospective du GESTE
PRÉVISIONS A HORIZON 5 ANS
Tendances et enjeux pour les principaux marchés de l'industrie des médias
Matthieu Aubusson, Associé, spécialiste des médias et loisirs et Responsable France, PricewaterhouseCoopers : " Le marché global des médias et le marché de la publicité, sur les 5 prochaines années, seront tous deux tirés, au niveau mondial, par les pays émergents, avant tout par les 4 pays du BRIC et ceux du Golden 8 (Venezuela, Afrique du Sud, avec les pays d'Afrique du Nord, du Moyen Orient, d'Asie du Sud Est et d'Océanie). Une croissance moyenne annuelle du marché publicitaire est estimée autour de 13% dans chacun de ces pays émergents contre une moyenne mondiale de 6,4% par an. "
La croissance du marché de la publicité en Europe de l'Ouest et en Amérique du Nord devrait quant à elle osciller dans une fourchette comprise entre 2 et 5% par an tout au plus (inflation comprise). Certaines prévisions, parmi les plus récentes, tablent même sur une décroissance du marché publicitaire en France et en Europe de l'Ouest au cours des deux prochaines années avec une reprise espérée en 2014 ou 2015.
Selon Matthieu Aubusson : " Sur les 5 prochaines années, le digital devrait contribuer à hauteur de 67% à la croissance du secteur des Médias au niveau mondial mais la digitalisation varie fortement en fonction des marchés et du potentiel des offres numériques. "
Nous assistons donc à une migration de la croissance des marchés publicitaires, d'abord des pays matures vers les pays émergeants et ensuite des médias traditionnels vers le digital. Les deux principales poches de croissance du marché de la publicité résident actuellement sur deux supports : la vidéo sur internet et la publicité sur mobile.
La consommation de médias sur les terminaux mobiles (smartphones et tablettes) est déjà bien installée mais encore mal monétisée. A titre d'illustration, une comparaison simple entre le temps passé par les utilisateurs sur mobile et le marché publicitaire correspondant laisse espérer uniquement aux USA un potentiel de plus 20 milliards de dollars par an. Le marché de la publicité mobile devrait, dans tous les cas, à horizon 2016 dépasser les annonces sur Internet. Il reste encore et surtout à évaluer quel sera l'impact de l'entrée imminente de nouveaux acteurs de taille comme Facebook ou Twitter sur ces marchés.
EFFICACITÉ DE LA PUBLICITÉ DIGITALE
Display, vidéo, mobile, tablette, opérations spéciales, search...
Pour Pascal Dasseux, Président Directeur Général, Havas Digital " Fin 2012, tous les médias, toutes les marques mais aussi et surtout tous les consommateurs sont connectés ou en passe de l'être. En France, 44% des personnes interrogées déclarent regarder la télévision avec un ordinateur portable allumé devant eux et 33% avec un smartphone connecté. Cette transition technologique ouvre les portes d'une nouvelle ère digitale, mobile, multi-écrans, multi-usages et multi-sensorielle avec le développement de nouvelles interfaces faisant de plus en plus appel à l'ensemble de nos sens. "
" Les Mad Men cèdent la place aux Math Men "
Au coeur des nouvelles stratégies médias, pour les éditeurs, les annonceurs et les publicitaires, se trouve La Data. Une agence vend un support média et, de plus en plus, de la Data exploitable. Les marques et les annonceurs n'achètent plus de l'espace mais de l'audience. Plus le média est en mesure de qualifier son audience, plus celle-ci a de valeur. Cette évolution impacte désormais le métier des agences qui devront désormais recruter des statisticiens.
Le digital est un nouvel espace de création, laissant place à l'innovation sous toutes ses formes pour une implication maximum d'usagers, lecteurs, auditeurs et téléspectateurs. Havas et M6 viennent par exemple de tester des opérations de Pre-Play, avec le lancement de programmes en avant-première sur internet, avant leur diffusion en télévision puis de leur retour sur le web en Replay. La durée de vie des programmes est décuplée, les opportunités de publicité associée avec.
" Attention, dans ce contexte les marques doivent être plus vigilantes que jamais. Une étude récente montre qu'en France, seul 30% des marques comptent vraiment pour les consommateurs. En d'autres termes, 70% des marques pourraient disparaître du jour au lendemain sans personne pour s'en émouvoir. La transition numérique n'est donc pas sans danger pour nombre de marques. "
TABLE-RONDE MOBILITÉ : COMMENT COMBLER LE RETARD?
Benoît Raphaël, Co-fondateur de Trendsboard et modérateur de cette table-ronde rappelle que : " le différentiel entre temps passé sur mobile, le nombre de pages vues et le chiffre d'affaire publicitaire effectivement réalisé est encore dans un ratio de 1 à 10. En d'autres termes, les éditeurs et les médias n'exploitent que 10% du potentiel d'affaire sur mobile. "
Arthur Millet, Directeur, Amaury Médias Digital confirme : " L'Equipe, marque phare du groupe, qui avec le lancement cette semaine de sa nouvelle chaîne de télévision, confirme plus que jamais une stratégie multi-écrans pour qui le mobile devient un terminal clé. Sur l'ensemble du digital, le mobile représente déjà un quart des V.U. de l'Equipe et ce n'est qu'un début. C'est la fin du mass-média. Chaque média fait face à une fragmentation croissante de son audience et cela pose le problème, encore non résolu, de la centralisation des informations."
" Une marque comme Pizza Hut, qui ne porte pourtant pas le digital dans son ADN et pour qui la mesure du retour sur investissement à court et moyen terme est primordiale, a par exemple recours de manière croissante aux terminaux mobiles pour ses opérations de marketing direct. Le flyer, à la fois digital et géolocalisé, s'avère d'un intérêt et d'une efficacité croissante pour une marque comme la nôtre. " Julia Ysenbaert, Pizza Hut France
Julien Chamussy, Fondateur et Directeur Marketing, Admoove : " Les possibilités offertes par les terminaux mobiles sont immenses et encore largement sous-exploitées. Il faut que chaque marque, en fonction du type de produits et de services qu'elle propose, cerne précisément où se trouve pour elle, la valeur ajoutée proposée par chaque type d'écran. Ensuite, il lui faut replacer les utilisations de chaque terminal, y compris mobile, dans cette chaîne de valeur. Les fonctionnalités mobiles sont vastes et peuvent se révéler très efficaces, comme le clic to call qui permet au consommateur d'entrer en relation directe et immédiate avec le service commercial de la marque. "
Christophe Collet, Président Directeur Général, MediaConnect : " Le marché de la publicité sur mobile fait encore face à des freins importants comme la multiplicité des formats qui fait exploser les frais de création et de développement aux dépends de l'achat d'espace. Seuls 25% des entreprises disposent en 2012 de sites internet adaptés aux formats mobiles. Les mesures d'audience ne sont pas encore complètes bien qu'elles s'affinent rapidement. Le tracking et la mesure du retour sur investissement n'est pas encore entièrement mature non plus. Ceci étant dit, plus aucun média ni aucune marque ne peut ni ne doit ignorer le marché mobile. C'est le marché publicitaire d'avenir par excellence. "
" Il ne nous est encore jamais arrivé de recevoir un brief annonceur qui soit Mobile First mais ce marché n'en est qu'à ses débuts. La publicité sur mobile, il est vrai, est encore trop compliquée, expérimentale même parfois et l'efficacité difficile à mesurer mais il s'agit d'un espace formidable de création qui permet aux marques de transformer leurs actions publicitaires en expérience client et de développer de nouvelles gammes de services. Les marques doivent cependant investir cet espace dès le départ au risque de le laisser occupé par d'autres. " Stéphane Guerry, Directeur Général, Saatchi & Saatchi Duke.
Frédéric Dumeny, Directeur Général, Adfonic précise : " Sur le marché de la publicité mobile, le data tracking est absolument clé. La stratégie de collecte d'information doit être pensée autant en amont qu'en aval. Il faut que les marques conservent cette dimension en tête dès le départ pour le développement de leurs applications mobiles. C'est primordial. "
TABLE RONDE AD EXCHANGE : LA TRANSFORMATION DE LA VENTE D'ESPACE
Emmanuel Parody, Publisher de ZDNet.fr, division B2B, CBS Interactive et modérateur de cette seconde table-ronde : " Au départ sur internet, un annonceur ne pouvait acheter du CPM premium que sur un site déterminé mais, les inventaires invendus grandissants, des Adnetworks se sont mis à les racheter et les revendre avec une marge. Aujourd'hui l'inventaire invendu explose, les annonceurs peuvent acheter directement les impressions en temps réel via le RTB (Real Time Bidding) c'est-à-dire les enchères de vente d'espace en temps réel,…mais est-ce réellement une bonne nouvelle ? "
Fabien Magalon, Directeur Général, La Place Média : " Cette année en France, les revenus publicitaires sur internet ont été multipliés par deux pour les éditeurs. La révolution RTB (Real Time Bidding) a permis de multiplier les CPM par X3 ou par X4. Une meilleure valorisation unitaire associée à multiplication en volume permet de décupler les revenus pour tous de manière conséquente. "
Pour Sylvain Travers, directeur des opérations chez Audience Square : " La valeur sur ces nouveaux marchés publicitaires vient également d'une forte différenciation dans l'offre avec une segmentation pointue dans les formats comme dans les thématiques proposées avec un tracking très précis. Le marché via le RTB a de beaux jours devant lui. Le potentiel d'investissement est bien réel et 2013 devrait voir arriver de grands acteurs, notamment dans les secteurs de la distribution, des télécoms ou encore de la banque et de la finance avec des moyens importants. "
Gérald Sauvageon, Country head publisher solutions, Google France : " Le marché français du display temps réel, dopé par les Ad Exchanges et l'avènement du RTB, est entré dans une phase de forte croissance. Avec un recul d'expérience de 4 années aux USA, nous avons chez Google, segmenté la maturation de ce marché en 5 phases différentes : les trois premières phases, target, test et développement, sont derrière nous, les deux dernières, la production de Data éditeur/ annonceur pour arriver enfin à la dernière phase d'approche holistique, sont encore à venir mais le marché arrive progressivement et rapidement à maturité. "
Frédéric Prigent, Country Manager France, PubMatic France : " Le recours au protocole RTB a ceci d'efficace qu'il permet une maximisation du nombre d'acheteurs donc de la liquidité du marché avec une prise de risque financier limité pour les acheteurs. L'Ad Exchange permet ainsi une optimisation de l'inventaire tout en limitant au maximum les risques de spéculation pure. Au final c'est la densité des acheteurs qui permet une meilleure valorisation. "
Yann Le Roux, Président Directeur Général, Matiro : " Au coeur de l'Ad Exchange et du RTB, il y a en effet un objectif de performance. Dans la pratique, chaque acheteur remportant une enchère ne paye, par exemple, que 0.1 de plus que la personne sur laquelle il a renchérit et non pas le prix qu'il aura effectivement annoncé lors de sa surenchère même si c'est 10 ou 100 de plus. Ceci permet en effet de limiter les risques financiers, de fluidifier les transactions et la liquidité du marché donc de rassurer les acheteurs et permettre d'accroître rapidement les volumes. Par ailleurs, les acteurs sont encore limités, se connaissent et ne peuvent pas s'enrichir sur de la spéculation pure. Ce marché devrait donc pouvoir se développer sur des bases saines pour une optimisation de la valeur et de revenus pour tous les acteurs. "
David Licoys, Directeur des Activités Digitales, Groupe Le Monde : " Dans ce nouvel espace digital, toutes les régies médias n'auront pas vocation à perdurer. Seules les marques média fortes pourront continuer à s'appuyer sur une régie intégrée. Les métiers évoluent rapidement. Les Mad Men cèdent en effet rapidement du terrain aux Math Men et il n'y aura à terme plus que trois grandes catégories de métiers, les RTB managers, plutôt de profil scientifique ou ingénieur, les OPS managers pour la gestion de projet, plutôt de profil commercial et des ambassadeurs de marque. Nous sommes en effet dans une phase de transition radicale, passant de la vente d'espace à de la vente d'audience qualifiée à l'extrême. La question demain sera de savoir, qui je touche, à quel moment de la journée et à quel endroit géographique précisément. "