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Les propositions du STJV pour une industrie du jeu vidéo plus juste


STJVEn attendant que les travailleur·ses aient tout le contrôle sur leur travail, voici, à l'approche des élections présidentielles et législatives 2022, 8 propositions du Syndicat des Travailleurs et Travailleuses du Jeu Vidéo pour améliorer notre industrie.

1. Réduire le temps de travail : passage à la semaine de 4 jours/28h sans réduction de revenu

La réduction du temps de travail est une tendance historique de l'organisation économique, grâce aux luttes menées dans le passé, qui permet aux travailleur·ses de gagner du temps pour vivre en dehors de leur emploi et de se reposer. Cette mesure qui convient tout à fait à notre industrie s'y répand, en témoigne son adoption par des studios de toute taille comme Eidos-Montréal, Die Gute Fabrik, Young Horses et Armor Games, et doit devenir la norme.

2. Imposer réellement le CDI comme norme, sans exceptions

Les recours abusifs aux CDD doivent cesser définitivement, en particulier comme "période d'essai déguisée", une pratique très répandue, notamment chez les plus gros studios français. De même, le recours aux autres types de contrats et statuts, rarement justifié dans le jeu vidéo, doit être très encadré et strictement limité aux cas où ils sont explicitement demandés par les travailleur·ses concerné·es : les entreprises ne doivent pas les proposer d'elles-mêmes.

Il faut également permettre l'accès au temps partiel quand les travailleur·ses en font la demande, pour prendre en compte les besoins de tou·tes.

3. Rendre les congés payés et maladie illimités, supprimer les jours de carence et maintenir 100% du salaire

Les raisons qui poussent à devoir cesser temporairement le travail pour se reposer, se soigner, prendre soin de ses proches, etc. sont indénombrables, il est nécessaire que les congés le soient également, avec un minimum annuel de jours de congés à prendre. Il est particulièrement crucial de supprimer les jours des carences des arrêts maladies et de les indemniser à 100 %, afin de retirer tout obstacle à la prise nécessaire de ces arrêts.

À défaut de vacances illimitées, une couverture partielle de ces besoins peut être obtenue avec : une 6ème semaine de congés payés ; des congés maternité/paternité plus longs, égaux et obligatoires ; le report des jours fériés tombant un week-end sur le Vendredi précédent ou le Lundi suivant.

4. Renforcer le pouvoir des représentant·es du personnel, la démocratie et la transparence en entreprise

Les entreprises sont des environnements antidémocratiques par définition, et il est important de changer cette situation en faisant participer les travailleur·ses à la vie de l'entreprise et en renforçant le rôle de leurs élu·es.

Cela passe notamment par l'octroi d'un droit de veto des représentant·es du personnel sur tout ce qui nécessite déjà légalement une consultation, permettant aux travailleur·ses de faire défendre leurs droits par leurs représentant·es.

Cela nécessite aussi une réforme des élections CSE pour les ouvrir au plus grand nombre, en ouvrant la possibilité de candidater au CSE dès la fin de la période d'essai, et la possibilité de voter aux élections CSE pour toute personne travaillant pour l'entreprise depuis plus de 3 mois, quel que soit son statut (incluant donc notamment les freelances, intérimaires, intermittent·es, CDD…).

Les salaires étant un point de discrimination particulier en entreprise, il faut rendre les grilles de salaires publiques, y inclure les évolution avec les années d'expérience et l'inflation et les faire voter par les salarié·es pour y mettre fin.

La démocratie nécessite du temps pour discuter, débattre, et prendre des décisions ensemble, et donc l'allocation pour tou·tes les travailleur·ses d'une partie du temps de travail pour la vie et la démocratie en entreprise, et l'augmentation des heures de délégation des représentant·es du personnel.

5. Donner aux travailleur·ses le pouvoir de choisir le message et le contenu de leur travail, et les technologies utilisées

L'industrie du jeu vidéo, comme toutes les industries, aime le secret et le pouvoir autoritaire, et impose aux travailleur·ses des choix qui vont à l'encontre de leurs idéaux ou de leur identité. Dans les studios en particulier, les phases de conception et pré-production sont menées à huis-clos ou en petit comité, certain·es travailleur·ses considéré-es "non-créatif·ves" ou en bas de l'échelle en étant systématiquement écarté-es alors que leur travail participe tout autant au résultat final. Il faut impliquer tous les échelons hiérarchiques et tous les métiers dans la préproduction des jeux vidéo.

De la même manière, il faut imposer une consultation systématique des travailleur·ses sur le contenu des jeux, les mécaniques économiques et technologies utilisées, sur les jeux signés par les éditeurs, et sur les clients et y associer un droit de veto des travailleur·ses leur permettant de rejeter collectivement un projet, une feature, une technologie ou un client particulier.

Pour rendre cela effectif, la transparence interne sur les contrats passés avec des acteurs externes et les relations avec les éditeurs/groupes/clients doit être totale.

6. Rendre les procédures d'embauche transparentes, accessibles et non-discriminatoires

Dans le jeu vidéo, les procédures d'embauche sont des excuses à tous les excès. Cela doit cesser, notamment en faisant en sorte que les entretiens et tests d'embauche soient effectués sur un temps raisonnable et très court : plus jamais d'exercices qui prennent des jours ou semaines complètes à faire. Pour empêcher leur exploitation comme travail gratuit, ces exercices d'embauches doivent être éloignés de la production finale de l'entreprise, et un accord de non-exploitation commerciale doit être exigé.

Pour mettre fin aux discriminations sur les salaires à l'embauche, l'affichage des salaires et du statut correspondant au poste recherché doit devenir obligatoire dans les offres d'emploi.

7. Mettre fin à l'exploitation des freelances et sous-traitants par l'égalité des droits et conditions de travail

L'industrie du jeu-vidéo repose en grande partie sur l'exploitation de travailleur·ses pauvres, et il arrive très souvent que l'amélioration des conditions de travail dans les pays occidentaux se fasse en sous-traitant la souffrance à l'étranger. Ce fait inadmissible doit être contré : les contrats de sous-traitance doivent garantir que les travailleur·ses sous-traitants soient payé-es et traité-es de la même manière que les travailleur·ses de l'entreprise qui y fait appel.

Les entreprise font aussi du dumping social local en mettant en concurrence les freelances en France. Les contrats de ce type doivent devenir standardisés et publics, pour assurer la transparence et l'égalité entre les différents freelances embauchés.

8. Appliquer et renforcer le contrôle des aides publiques, intégrer les syndicats de travailleur·ses dans les commissions d'attribution

De nos expériences directes, il est clair que les entreprises n'aiment pas se plier aux règles, et donc en plus d'en imposer de nouvelles, il faut s'assurer qu'elles soient appliquées. L'industrie française du jeu vidéo dépend des aides publiques, en particulier de celles du CNC, pour fonctionner. Ces aides, qui sont tout à fait bienvenues, imposent déjà aux entreprises de respecter la législation et de lutter contre le harcèlement, mais sans aucun contrôle. L'état continue donc en pratique à biberonner des entreprises qui ne respectent aucun critère d'attribution. Les conditions de ces aides doivent systématiquement être contrôlées avant tout versement d'argent.

En plus d'une application réelle des contrôles, il faut responsabiliser les entreprises par une dissuasion plus forte en cas de manquement à la loi. Toute condamnation d'une entreprise doit mener au remboursement des aides perçues, et à l'inéligibilité pour des aides futures. Le droit (notamment du travail) est enfreint de manière généralisée et cela doit cesser.

Pour forcer les entreprises à mettre fin à des pratiques bien trop répandues dans notre industrie et qui défavorisent les travailleur·ses, les engagements contractuels doivent être étendus à la diversité des embauches, la limitation du turnover, le respect du dialogue social et l'amélioration des conditions de travail tout au long des productions.

Enfin, les travailleur·ses ne doivent pas être tenu·es à l'écart de ces transactions. Les représentants du personnel doivent être mis à contribution pour les contrôles et les organisations syndicales doivent être intégrées dans les commission d'attribution des aides.

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Publié le 10 mars 2022 par Emmanuel Forsans
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