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Jeux vidéo : un secteur en besoin de financement

Auteurs : Thibault Verbiest et Pierre Urier Cattoire, Largillière Finance


2 milliards d'euros. C'est le prix payé par Microsoft pour prendre la main sur le studio indépendant Mojang, créateur du jeu Minecraft, soit un montant représentant plus de deux tiers du chiffre d'affaires total de l'industrie du jeu vidéo en France et Belgique. Une folie ?

Au risque d'en choquer certains, répondons par la négative. Microsoft fait partie de ces grandes sociétés technologiques qui mesurent pleinement le potentiel du marché du jeu.

Intrinsèquement international, le marché du jeu vidéo génère plus de 75 milliards d'euros de chiffre d'affaires en 2013, en croissance de 17% par rapport à l'année précédente. En France, pour la dixième année consécutive, c'est l'industrie culturelle qui résiste le mieux à la crise, au point de faire pâlir Cannes avec ses 2,7 milliards d'euros de chiffre.

Anatomie de cette industrie au cœur de l'usage des supports numériques.

Tout dans la tête

Côté software, le marché est en baisse de 7% en valeur en 2013 en France ; en Belgique, il baisse de 11,8%. Mais à partir de 2014, c'est le début d'un nouveau cycle : à la suite du lancement de la nouvelle génération de consoles (Xbox One, PS 4, Nintendo Wii u), le marché se redynamise autour de l'offre des éditeurs. Pour générer une réelle valeur ajoutée, les éditeurs doivent redoubler d'inventivité, laquelle est facilitée par le détachement progressif des développeurs vis-à-vis des plateformes telles que Sony, Nintendo et Microsoft, au profit de la vente directe via internet ou smartphones.

De nouveaux business models voient le jour, tels que le cloud-gaming (équivalent de la vidéo à la demande) ou le minute-gaming, tirés par les réseaux sociaux et les technologies mobiles. Avec une utilisation qui croit de manière insolente, les business models du secteur ne sont pas encore stabilisés. Après avoir expérimenté une explosion des développeurs indépendants, le secteur, bien que consolidé, reste composé de quelques grands groupes (Ubisoft notamment) et d'une multitude de studios indépendants.

A l'origine de francs succès sur les réseaux, ces studios mettent à profit leur adaptabilité en revendant les licences de leurs jeux. Cela leur permet de garder une structure souple pour se concentrer sur la création de gameplays novateurs. Cependant, il reste particulièrement difficile pour les studios d'atteindre un seuil de rentabilité stable.

Avoir les reins solides

Le temps nécessaire pour développer un jeu est important (30 semaines en moyenne) et engendre des coûts de production très variables : de 3 K€ pour un jeu simple, à 200 K€ - 800 K€ pour un jeu plus sophistiqué et plusieurs millions pour les jeux classiques. Ces coûts importants entrainent des besoins importants en fonds de roulement : " il faut que les studios aient les reins solides pour patienter jusqu'au succès commercial d'un jeu " explique Julien Villedieu, délégué du Syndicat National du Jeu Vidéo (France). Ce besoin est renforcé lorsque le studio vend ses jeux sur l'App Store ou Google Play, où le prix par jeu peut descendre jusqu'à 0,79€.

Pour résister à ces cycles inhérents à l'industrie, beaucoup de studios se diversifient, notamment via le " serious game " qui est devenu en peu de temps un outil à la formation ludique en entreprise, collectivités et services publics.

Garder les pieds sur terre

Parmi les centaines de startups créées chaque année, beaucoup ne tiennent pas deux mois. Elles n'ont souvent pas accès aux systèmes de financement pour soutenir leur activité pendant le processus de création ou les cycles naturels de développement des jeux suivants.

Toutefois, le regroupement des médias fait naître de nouvelles opportunités,à l'image d'Ubisoft qui crée son studio de cinéma.

Les industries culturelles convergent et dans une industrie qui se structure de plus en plus, de nouveaux mécanismes financiers (aides publiques, capital-risque…) apparaissent pour soutenir les TPE/PME du secteur, même s'ils demeurent encore insuffisants pour compenser la frilosité des banques.

Les studios francophones ont la chance d'avoir une forte visibilité internationale grâce à leurs spécialistes des jeux indépendants : moqués auparavant, ils réalisent maintenant 90% de leur chiffre d'affaires en Europe, au Brésil, ou encore en Russie. Au-delà des fonds tels que Capital Games (cluster francilien dédié au jeu vidéo), les indépendants tels Fishing Cactus, Tale of Tales ou encore Larian Studios pourront trouver soutien auprès de la région Wallonne et du Fond Social Européen.

L'industrie culturelle peut encore faire appel au financement participatif ou s'adosser à des industriels tels que les télécoms : en Belgique, Belgacom lance une offre de cloud gaming pour ses abonnés. Ainsi, Microsoft n'est pas le seul à saisir le potentiel des studios indépendants de jeux vidéo. L'ingénierie pédagogique devient un réel enjeu, au même titre que la convergence des médias et il est capital pour nos PME francophones de stabiliser leur trésorerie pour promouvoir au mieux leur créativité.

Thibault Verbiest et Pierre Urier Cattoire
Largillière Finance
www.largilliere-finance.com

Publié le 18 novembre 2014 par Emmanuel Forsans
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