Next Gen TV : OTT et à la demande
Par Gilles Fontaine - Directeur Général adjoint, Directeur de la Business Unit TV & Digital Content, IDATE
Une métamorphose à l'oeuvre
L'ensemble de la chaîne de la distribution vidéo est en évolution : les modes traditionnels d'exploitation des programmes sont bousculés (raccourcissement des fenêtres de la chronologie ; sortie simultanée de tous les épisodes d'une série par Netflix) ; la consommation de vidéo sur tablette se développe, avant le vrai décollage de la télévision connectée ; la télévision linéaire s'appuie sur les réseaux sociaux face à la montée en puissance des plateformes internet nativement spécialistes de la recommandation personnalisée.
Les différentes catégories d'acteurs voient leurs modèles historiques menacés. Les opérateurs de réseaux câblés et IPTV réexaminent leur stratégie de distribution de contenus. Certains (Comcast) renforcent leurs offres pour concurrencer les services OTT* ; d'autres (Telecom Italia) offrent une combinaison minimale d'un service de télévision linéaire et d'une offre à la demande sans qualité de service garantie. Les chaînes de télévision, dont le coeur de métier est l'agrégation, veulent garder leur valeur ajoutée dans un monde de plus en plus à la demande. D'une part, les plus grandes chaînes gratuites cherchent à développer les événements en direct pour conserver le lien avec leur audience de masse ; d'autre part, les services de télévision à péage introduisent la vidéo à la demande (VOD) pour accroître leur attractivité et investissent dans des droits exclusifs.
La fragmentation avant la convergence ?
L'abondance croissante des offres et des acteurs qui interviennent sur le marché de la vidéo conduit à sa fragmentation. Les nouveaux entrants, issus de l'internet mais aussi de l'électronique grand public, construisent de nouvelles offres gratuites ou à péage qui s'insèrent dans les segments de marché encore peu exploités : services de VOD par abonnement, programmes premium financés par la publicité. Les premiers concurrencent la télévision à péage, les seconds les services de rattrapage des chaînes gratuites.
Mais la segmentation entre services linéaires et services à la demande semble devoir s'estomper au profit de services mixtes combinant télévision linéaire (ou relinéarisée) et programmes à la demande frontalement concurrents. La fragmentation résulte aussi de la multiplication des écosystèmes propriétaires qui rompent avec la " standardisation " traditionnelle de la distribution et de la réception de la télévision. En s'appuyant d'une part sur des terminaux propriétaires, en exploitant d'autre part la relation avec leurs clients, les fabricants de téléviseurs, les développeurs de systèmes d'exploitation des téléphones mobiles, des tablettes ou des téléviseurs connectés tentent de construire leurs propres écosystèmes. Une simplification devrait néanmoins intervenir à moyen terme autour de quelques plateformes de distribution, qui reprendront les principales offres de contenu et chercheront à se différencier par la qualité de l'expérience délivrée à leurs clients.
Trois visions s'opposent ainsi pour l'évolution à long terme de la distribution des contenus vidéo :
- le modèle traditionnel d'accès et de contenu couplés : grâce au contrôle d'un réseau plus " intelligent ", qui intègre une box avancée, telcos et cablecos distribuent des packages qu'ils négocient avec les éditeurs de services de contenus ou, directement, avec les producteurs;
- le modèle d'auto-distribution : les services de contenus à forte marque s'appuient sur une distribution sur l'internet ouvert pour maintenir ou rétablir une relation directe avec le consommateur.
- le modèle de magasin numérique : quelques sites d'e-commerce proposent l'intégralité des contenus, qu'ils " poussent " vers les consommateurs grâce à leurs outils logiciels de recommandation et de personnalisation.
Quel impact sur le marché ?
Si la numérisation apporte encore un peu de croissance sur certains marchés développés, la décennie qui commence se traduira par une diminution notable de la part de la télévision linéaire dans les recettes du secteur de la vidéo, au profit des nouveaux services à la demande. Pour les opérateurs historiques de l'audiovisuel, la capacité à capter les revenus issus de ces nouveaux services conditionnera le maintien de leur niveau de chiffre d'affaires. Mais ils ne pourront trouver de ressorts de croissance que sur les marchés émergents.