La Saga des Jeux Vidéo - L'histoire de Minecraft et Pokémon Go
Ce texte est issu de l'édition 2018 de "La Saga des Jeux Vidéo" de Daniel Ichbiah
Minecraft & Pokemon Go - Bienvenue chez moi
Extrait du chapitre 25 de La Saga des Jeux Vidéo 2018
Si le jeu a muté aux alentours de 2010, c'est parce qu'il a trouvé un compagnon de prédilection en Youtube.
Youtube est devenu un réservoir inépuisable d'expériences, de trucs et astuces, de partage de découvertes, d'initiations, d'ouverture vers des niveaux cachés. Le jeu vidéo a trouvé son alter ego, mais aussi sa vitrine idéale, car ce sont désormais les joueurs eux-mêmes qui assurent la promotion d'un titre ! Les Youtubeurs assurent la réclame d'un jeu comme aucun marketing ne saurait le faire.
Un service d'Internet a amené le jeu vidéo à changer de dimension : Google Maps.
La possibilité de jouer au sein du monde réel, amorcée en 2001 avec Majestic de Electronic Arts s'est épanouie avec Ingress puis avec Pokémon Go. Auparavant, il était courant de croire que Ultima Online ou World of Warcraft étaient les embryons d'un loisir universel appelé à dominer le siècle.
Il manquait une pièce au puzzle : la réalité augmentée.
Jouer dans son quartier, sur les trottoirs de sa propre ville, avec nos voisins comme partenaires est le nouveau frisson. Une sensation indescriptible qui suscite l'envie d'aller explorer les bâtiments autour de chez soi. Pokémon Go en a été la vitrine à très grande échelle dès 2016…
Avec Youtube, le jeu vidéo a trouvé le média qui lui manquait pour atteindre les cœurs à très grande échelle. Les blocages, les culs de sac et voies sans issue appartiennent au passé. Youtube établit le lien entre les 'gamers', expose les arcanes des passants les plus tordus, allant jusqu'à engendrer de nouvelles stars qui bien qu'elles opèrent depuis leur chambre, sont à même d'éclipser les chanteuses et présentateurs TV.
Plus que tout autre, un jeu a été transcendé par Youtube : Minecraft…
Un artiste nommé Markus
Une île presque déserte...
L'action démarre sur une île déserte… Ce n'est pas la première fois qu'un jeu nous transporte en un tel lieu. Pourtant, cette île est particulière. Formée de cubes. Même le soleil apparaît carré. La première fois, on se contente d'arpenter les herbages, inconscient du fait qu'à la tombée de la nuit, des monstres affamés vont surgir.
Si l'on survit miraculeusement ou bien si l'on repart à zéro, on s'avisera alors de bâtir un abri. Pour ce faire, il nous faut couper du bois, briser des pierres et assembler le tout. Très vite, malgré l'aspect spartiate, on se laisse emporter. Une fois que le virus Minecraft s'est installé, difficile d'en sortir.
Bientôt l'île va s'apparenter à une cité ancienne avec ses monuments improbables, ses plantations alignées, ses galeries souterraines, ses pagodes et tours de pierre.
Qui aurait pu croire que ce petit jeu anodin drainerait à lui tant d'explorateurs, tant de bâtisseurs ?
On l'appelle Notch...
Nous sommes à Stockholm en Suède… Le visage tranquille, marqué par un perpétuel sourire, Markus Persson, baptisé 'Notch' arbore une barbe qui lui donne un air de gros nounours. Son visage est tellement suédois qu'il aurait pu, en d'autres temps, faire partie du groupe Abba. Elin, sa fiancée de l'époque le compare à un artiste et confie :
"Il a toujours aimé créer des jeux. Et j'ai toujours adoré les tester."
Notch a passé les premières années dans une famille pauvre au nord du pays, à Edsyln, une campagne qui alterne des hivers très enneigés et des étés torrides. Sa distraction favorite consistait à se perdre dans les bois. Puis, à l'âge de 8 ans, un autre hobby s'est imposé : la programmation. Avec déjà l'ambition de créer des jeux. Lorsqu'il avait 12 ans, sa mère infirmière a divorcé de son père en raison de sa forte addiction à la drogue. De quoi inciter davantage à trouver refuge dans la création d'aventures ludiques.
A l'âge adulte, Notch a été embauché par une start-up sudéoise, King (alors nommée Midasplayer), qui quelques années plus tard va pondre l'un des plus gros hits de tous les temps : Candy Crush Saga. Il va demeurer 4 ans chez King et se lier d'amitié avec un autre développeur, Jakob Porser. C'est aussi chez King qu'il va rencontrer sa compagne, une fille aussi fine et petite que lui-même paraît grand en bien en chair, la gracieuse Elin Zetterstrand. Quelque part, ces deux là semblent fait pour s'entendre : il consacrent une partie de leurs week-ends à se pourchasser sur un jeu en ligne, Wurm Online.
S'il existe alors une règle d'or chez King, c'est que les programmeurs ne doivent pas créer des jeux en indépendant. Cet interdit indispose Markus 'Notch' Persson. Durant son temps libre, il s'attelle à de nombreux projets personnels.
A l'automne 2008, Notch s'autorise à demander à quelques employés de King s'ils voudraient bien tester un petit jeu qu'il vient de créer. Quelqu'un a du cafter car immédiatement, il est convié par la direction afin de lui rappeler les règles maison. Il lui est demandé au passage de céder cette création à King.
Vers la fin de l'année 2008, Notch fait ses adieux à King, car il supporte plus d'être bridé ainsi et veut opérer comme bon lui semble à ses heures perdues. Peu après, il prend un job chez Jalbum, une start-up dédié à la création d'album photo en ligne.
"Au fur et à mesure de l'expansion de King, il devenait de plus en plus difficile de travailler sur mes créations durant mon temps libre. J'ai voulu nager en solo…"
En juin 2009, il se lance sur un projet qu'il entend mener à bien en un semestre ou deux : Minecraft...
John Hanke
Réalité augmentée
En 1992, Terminator 2 nous avait donné une idée de ce que pourrait être la réalité augmentée, lorsque des informations s'affichaient par-dessus la vision du personnage interprété par Schwarzenegger.
Ce n'était qu'un avant goût de ce qui allait advenir 25 ans plus tard…
Ce qui s'est produit à partir de juillet 2016 aurait jadis été assimilé à du surnaturel. On pointe son iPhone devant soi et des créatures apparaissent en superposition du réel. Cela s'appelle Pokémon Go et son créateur répond au doux nom de John Hanke.
Un plouc de la cambrousse ?
Né en 1967, Hanke se qualifie comme un "plouc de la cambrousse", ayant vécu sa jeunesse à Cross Plains, une petite ville de mille habitants dans le Texas. A l'âge de treize ans, après avoir tondu un nombre conséquent de pelouse, il a pu réunir de quoi acquérir un Tandy TRS-80. Il partage cette activité avec le basketball et sa participation dans un groupe de jazz.
En 1989, après des études à l'Université de Texas, Hanke a eu un premier job au Ministère des Affaires Etrangères de Washington, puis à l'ambassade américaine à Myanmar (ex Birmanie). Ce qui l'a alors frappé est de voir combien les gens semblaient heureux en dépit de leur pauvreté extrême. Cette quête du bonheur est demeurée ancrée dans sa psyché.
A son retour aux USA, il est entré dans une école de commerce de Californie, avec pour ambition de fonder un studio de développement. Il s'est trouvé qu'un camarade de classe en avait déjà créé un, du nom de Archetype.
Ensemble, ils ont supervisé le développement de Meridian 59, le premier jeu de rôles massivement multijoueur - il est sorti avant Ultima Online, mais n'a pas connu le même retentissement.
Si John Hanke est attiré par l'univers des jeux de rôles, c'est parce qu'ils lui rappellent un jeu sur plateau qu'il a adoré, Donjons et Dragons. Quelque part, une même motivation va le suivre d'un bout à l'autre de son épopée personnelle : restituer à partir d'un ordinateur le fun que l'on peut ressentir lorsqu'on joue avec des amis.
"Le challenge et la compétition qui naissent lorsqu'on essaye de deviner quelle sera la manœuvre d'une personne réelle et de la contrer est infiniment intéressante et on ne s'en lasse jamais", dira Hanke au magazine Time.
Un autre élément qu'il apprécie est que dans Meridian 59, les joueurs se regroupent spontanément en guildes afin de mieux coordonner leurs actions et organiser des équipées.
Cartographie assistée
Suite à l'échec de Meridian 59, Hanke a poursuivi une autre route. En 2000, il a fondé Keyhole, une entreprise de cartographie assistée par satellite. Certains médias ironiseront plus tard sur le fait que la start-up a été financée en partie In-Q Tel, une branche de la CIA dédiée au capital risque alors dirigée par Gilman Louie, l'homme qui a lancé Tetris aux USA.
Quoiqu'il en soit, la technologie de Keyhole a plu à Sergey Brin, l'un des fondateurs de Google, et il a souhaité procéder à l'acquisition de cette start-up. Durant un meeting chez Google en présence des hauts dirigeants, Brin a impressionné ses interlocuteurs en leur montrant comment il pouvait, avec Keyhole, zoomer sur le jardin des gens présents dans la salle.
En octobre 2004, deux mois après l'entrée en Bourse de Google, Keyhole a été racheté en échange d'un montant de 35 millions de dollars en action.
Google Earth et Google Maps
A l'époque, Hanke ne pensait rester chez Google que durant quelques mois, le temps d'assurer la transition. Il va pourtant y demeurer durant une bonne décennie.
En 2005, il lance Google Earth, puis supervise les évolutions de Google Maps qui va devenir le deuxième produit le plus utilisé de Google après le moteur de recherche. C'est Hanke qui a négocié avec Steve Jobs pour que Google Maps soit présent sur l'iPhone originel. Il va également superviser un service qui va faire couler beaucoup d'encre.
Le bouton Street View est apparu sur Google Maps en mai 2007. Un clic dessus affiche des clichés de la rue, de l'avenue sur laquelle l'on pointe. Pour mettre en œuvre ce service, Google a lâché des dizaines de Chevrolet Cobalt pourvues sur leur toit d'un mât équipé d'un appareil de prise de vues. Hanke a dû faire face aux protestations de ceux qui estimaient qu'on empiétait sur leur vie privée. Quid des visages que l'on reconnaît sur les photographies ? D'automobiles garées au coin d'une rue et dont les immatriculations s'affichent au vu et au su de tous ? De personnes photographiées à leur insu là où elles pensaient bénéficier de l'anonymat ? Autant de questions que Hanke veillera à prendre en compte dans ses expérimentions à venir.
En réalité, Hanke n'a qu'un seul regret : cette mission consistant à cartographier le monde entier l'a éloigné de sa motivation première qui est les jeux. Il se trouve que Sergey Brin est lui-même un joueur avéré. Parfois, lors d'une réunion Brin confie qu'il aimerait marier Google Maps avec une interface ludique. Qu'il puisse arriver au détour d'une rue et se livrer à un combat avec un autre passant, tous deux étant munis d'armes virtuelles. L'idée va faire son chemin…
La suite dans "La Saga des Jeux Vidéo"
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Titre : La Saga des Jeux Vidéo (2018)
Auteur : Daniel Ichbiah
Editeur : Pix'n Love
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