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L'intelligence artificielle et la data : nouveaux tremplins essentiels à la rentabilité des jeux vidéo

Par Gwendal Bihan - Cofondateur et DG Axionable & Pierre Gerbaud - Data Senior Consultant Axionable


Jeux vidéo, intelligence artificielle et dataL'industrie du jeu vidéo vit actuellement de profondes mutations. Sa croissance continue s'accompagne d'une multiplication des supports : console, PC ou encore mobile, depuis les AAA jusqu'aux productions Indies. L'hyper-croissance du mobile, qui a dépassé 50% de part de marché en 2018 et représente 80% de la croissance du secteur en valeur, impose ce support comme un incontournable des stratégies des éditeurs (1), tandis que les consoles s'essoufflent et sont attaquées frontalement par le Cloud gaming - représenté notamment par les Français de Blade (Shadow), mais également par Google et Microsoft.

Face à ces nouveaux usages, la transformation touche également au contenu même des jeux vidéo, dans lesquels l'intelligence artificielle (IA), la donnée et des robots parfois plus humains que nature abondent.

Car la maturité de ces technologies permet aujourd'hui d'impacter toute la chaîne de valeur d'un jeu vidéo, depuis la production jusqu'à la promotion, en passant par l'amélioration de l'expérience du joueur.

Avant le lancement : la création d'univers numériques

L'IA peut faciliter la production de jeux AAA, les superproductions coûteuses largement diffusées. Le niveau de détail des univers et le réalisme de leurs graphismes requiert une grande quantité d'heures de développement. La génération procédurale, c'est-à-dire la création de contenu numérique à grande échelle, de manière automatisée et répondant à un ensemble de règles définies par des algorithmes, permet d'accélérer la création de ces univers.

Diablo III (Blizzard) est un excellent exemple de génération procédurale simple : à partir d'un ensemble de règles algorithmiques, une quantité quasi-infinie de combinaisons permet à un joueur de toujours trouver de la nouveauté. Cela s'applique aux objets, aux lieux et aux créatures. A la clé pour les développeurs : une réduction drastique de la quantité de ressources à produire et donc un gain de temps significatif.

Plus récemment, Assassin's Creed Odyssey (Ubisoft) a appliqué cette technique aux dialogues : plus de 15% des scènes de dialogue sont entièrement générées par l'IA, et la majorité des scènes contient au moins une portion de génération procédurale résultant en une économie de temps énorme pour les artistes et les doubleurs de voix (2). Mieux encore, Ubisoft Montréal a développé une technologie permettant d'animer les lèvres des personnages grâce à l'analyse des fichiers audio (3).

Dès le lancement : améliorer l'expérience du joueur

L'IA est capable d'améliorer l'expérience multijoueur, en détectant et punissant les comportements illégaux (bots ou tricheurs) : grappes d'actions répétitives, vitesse surhumaine, positionnement impossible, sessions de plusieurs dizaines d'heures de jeu … Apex Legends a déjà banni plus de 800,000 comptes pour triche, soit environ 2% de sa population de joueurs en Juin 2019 (4). La masse des données générées en jeu et la rareté d'un comportement de triche/bot en font un terrain de jeu idéal pour l'apprentissage par renforcement des modèles d'intelligence artificielle : un modèle joue le fraudeur, un second modèle joue le policier, et les deux s'affrontent en apprenant continuellement l'un de l'autre. (5)

L'assainissement des discussions entre les joueurs participe également à l'amélioration de l'expérience. La masse de conversation collectée fournit un jeu de données extrêmement riche pour entraîner un modèle qui détecte les mots, phrases, et styles de langages dégradant l'expérience, via un modèle d'analyse sémantique basé sur le traitement automatique du langage naturel (NLP).

Le producteur du jeu peut alors juger de la toxicité d'un comportement, et prendre des mesures en conséquence. Le sujet est pris très au sérieux par les éditeurs : Riot Games a recruté dès ses premières années un spécialiste du comportement, Jeffrey 'Lyte' Lin, et Blizzard a présenté en 2019 son utilisation du deep learning pour détecter les comportements abusifs dans le chat de jeu. (6) Pendant la durée de son activité chez Riot Games, Jeffrey Lin affirmait que les abus verbaux avaient diminuée de 40%. (7)

Avant et après le lancement : l'optimisation du marketing

Le marketing des jeux vidéo s'est considérablement complexifié avec le passage de l'ère des jeux offline vers des modèles online, mobiles, avec des boutiques intégrées dans les jeux. Jauger l'effort marketing et les revenus potentiels est notamment critique sur mobile, où les coûts marketing peuvent représenter 3 à 10 fois les coûts de développement. (8)

C'est alors qu'interviennent les modèles de Churn et de "Life Time Value". Le premier a vocation à estimer la probabilité, à un instant donné, qu'un joueur quitte le service. Le second a vocation à estimer la dépense future totale d'un joueur. Combinés, ils permettent une estimation de la valeur future des cibles marketing - et donc de l'effort financier raisonnable. Bien qu'elles nécessitent un large échantillon de données historiques pour l'entraînement du modèle d'apprentissage, ces deux solutions éclairent les décisionnaires des équipes marketing.

L'IA s'insère finalement jusque dans la conception des vitrines digitales de jeux vidéo (9) avec des techniques d'économie comportementale ; un sujet d'autant plus important pour les jeux ayant un modèle freemium (jeu gratuit puis options payantes intégrées au jeu). En exploitant la donnée, on est capable de définir un modèle d'achat prédictif qui permettra d'identifier le bon produit, la bonne promotion, et le bon moment pour cibler l'utilisateur avec une offre pertinente : des techniques adoptées à la perfection par le jeu Clash of Clans avec sa multiplicité de monnaies.

L'intelligence artificielle et la data ouvrent des portes pour accélérer la production des jeux vidéo, tout en améliorant l'expérience des joueurs. L'opportunité est de taille, à condition d'en cocher les pré-requis : collecte de données de qualité, compétence scientifique rare et coûteuse…

Les récentes prouesses d'acteurs comme OpenAI (10), capables de coder des réseaux de neurones suffisamment avancés pour battre des équipes professionnelles, laissent entrevoir l'impact futur de l'intelligence artificielle dans l'industrie vidéoludique.

Gwendal Bihan - Cofondateur et DG Axionable & Pierre Gerbaud - Data Senior Consultant Axionable

Publié le 23 juillet 2019 par Emmanuel Forsans
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