Comment le contenu post-lancement stimule-t-il l'engagement dans les jeux solo ?
Dans un marché où l'engagement sur la durée devient aussi crucial que le succès du lancement, les jeux solo adoptent de plus en plus les codes du live service. Une analyse de Newzoo montre comment DLC, mises à jour régulières et stratégies de diffusion prolongent désormais la vie commerciale des titres bien au-delà de leur sortie. Entre revenus stabilisés, succès par genre et exemples emblématiques comme Hitman : World of Assassination, le contenu post-lancement s'impose comme un levier majeur pour maintenir l'attention et la monétisation des joueurs.
Définition - "Contenu post-lancement"
Le contenu post-lancement désigne l'ensemble des ajouts, mises à jour ou extensions publiés après la sortie initiale d'un jeu.
Il peut prendre la forme de DLC narratifs, d'extensions de gameplay, de modes supplémentaires, de contenus cosmétiques, de correctifs ou de mises à jour qualité de vie. Son objectif est de prolonger l'intérêt des joueurs, d'en attirer de nouveaux et de soutenir la performance commerciale du jeu sur le long terme.
Dans une industrie de plus en plus axée sur l'engagement long-terme et les revenus récurrents, la frontière entre les stratégies de contenu des jeux solo et celles des jeux service commence à s'estomper. Le contenu post-lancement, la gestion stratégique des réductions et l'entretien d'une communauté active sont désormais essentiels pour prolonger la viabilité commerciale des jeux plus anciens. Les revenus issus des ventes premium ne définissent plus, à eux seuls, le cycle de vie d'un titre.
Pour les jeux solo sur PC, Xbox et PlayStation, le contenu post-lancement est passé d'un simple bonus à un véritable moteur de revenus, capable d'allonger significativement la durée de vie des jeux. Cette analyse examine comment les studios parviennent à un succès long-terme grâce à l'évolution de leurs stratégies de support, en s'appuyant sur les données du Game Performance Monitor de Newzoo et son module Revenue Add-On, couvrant la période d'avril 2020 à mai 2025 dans six grands marchés occidentaux (Etats-Unis, Royaume-Uni, Allemagne, France, Espagne et Italie).
Ce nouveau sujet de focus vient d'être ajouté au Global Games Market Report 2025 disponible gratuitement. Téléchargez-le pour découvrir l'ensemble des conclusions.
Les revenus liés aux DLC se stabilisent à 20-25 % après la première année
En examinant la répartition globale des revenus par type de monétisation, les DLC suivent une légère trajectoire ascendante, différente de la stabilité observée pour les microtransactions. La part des revenus générés par les DLC atteint un pic à six puis douze mois après la sortie, avant de se stabiliser entre 20 % et 25 %.
Part des revenus récurrents au fil du temps par monétisation

PC, Playstation, Xbox, Switch | 6 marchés (US, UK, Allemagne, France, Espagne, Italie | Avril 2020 - mai 2025
Les chiffres montrent une tendance claire :
- Durant la première année, les DLC représentent 9 % du total des revenus (en excluant les jeux premium ne proposant aucun contenu post-lancement).
- Entre la deuxième et la cinquième année, cette part grimpe à 23 %, soit une hausse de 37 %.
- Les revenus DLC se stabilisent ensuite entre 20 % et 25 %.
- Les microtransactions - en grande majorité des éléments cosmétiques - ne suivent pas cette même courbe, même en excluant les titres premium.
Un contenu publié au bon moment peut raviver l'intérêt et les dépenses, plusieurs mois voire années après la sortie, qu'il s'agisse de joueurs de retour ou de nouveaux venus. Ce schéma suggère que les DLC jouent le rôle de pilier de monétisation long-terme, plutôt que de simple boost ponctuel.
Le genre détermine la performance des différents types de contenu
Alors que les jeux de rôle s'appuient fortement sur les DLC narratifs, les revenus récurrents des autres genres sont liés à l'adéquation entre leur produit et leur marché grâce à des extensions de gameplay, du contenu saisonnier et des mises à jour améliorant la qualité de vie.
Revenus par monétisation - mois 12 à 60

PC, Playstation, Xbox, Switch | 6 marchés (US, UK, Allemagne, France, Espagne, Italie | Avril 2020 - mai 2025
Entre 12 et 60 mois après la sortie, la part des revenus DLC varie fortement selon les genres :
- Les RPG reposent largement sur des DLC narratifs.
- D'autres genres s'appuient sur des extensions de gameplay, du contenu saisonnier ou des mises à jour d'amélioration continue (QoL).
Deux catégories de genres se distinguent :
1. Les "dominateurs de catégorie" : Un seul titre ou une seule franchise concentre l'essentiel de l'engagement et des revenus long-terme dans une niche donnée.
Par exemples, Planet Zoo dans la simulation de zoo et theHunter : Call of the Wild dans la simulation de chasse
2. Les "voisins de catégorie" : Plusieurs titres performants coexistent, partageant des mécaniques proches mais se différenciant par leurs univers, thèmes ou licences, comme par exemple Street Fighter 6, Tekken 8, Mortal Kombat 1 (Fighting) ou Forza Horizon 5 et Gran Turismo 7 (Racing).
Le rapport Global Games Market Report 2025 présente davantage d'exemples accompagnés de données détaillées sur la part des DLC.
Hitman : World of Assassination, pionnier du "solo live service"
Hitman : World of Assassination d'IO Interactive illustre parfaitement un virage réussi : d'un lancement épisodique difficile à un modèle live-service solide et durable.
Malgré des débuts commerciaux compliqués, IO Interactive a affiné et étoffé la trilogie, puis l'a regroupée en une expérience unique capable de maintenir l'engagement long-terme sans dépendre d'un flux constant de nouveaux joueurs.
La stratégie combinait plusieurs types de contenus :
- DLC narratifs, comme la campagne Sarajevo Six
- Extensions de gameplay : mode rogue-like Freelancer, carte Ambrose Island, Elusive Target Arcade
- Cosmétiques : packs Undying, Drop, Splitter, Banker, etc.
- Evénements saisonniers avec Van Damme ou Conor McGregor
- Extensions de plateformes via Game Pass, PlayStation Plus, Steam ou les versions VR
Hitman : World of Assassination - Revenus mensuels récurrents

PC, Playstation, Xbox, Switch | 6 marchés (US, UK, Allemagne, France, Espagne, Italie | Avril 2020 - mai 2025
Les DLC de Hitman : World of Assassination ont généré entre 150 000 $ et 1,4 M$ par mois sur quatre ans, représentant 21 % des revenus suivis.
Lorsque les revenus globaux baissaient, la part des revenus DLC augmentait, soulignant son rôle de stabilisateur.
- L'arrivée d'Hitman 2 sur PlayStation Plus en septembre 2021 a fait bondir les revenus DLC de 97 %.
- Le lancement de la trilogie sur Xbox Game Pass en janvier 2022 a entraîné une hausse de 168 % des revenus DLC en décembre 2021.
La "lifetime value" (LTV) des acheteurs atteint 28,70 $, malgré de fortes promotions (jusqu'à -90 % en 2024) et les ajouts dans les abonnements.
Construire de la valeur long-terme grâce au post-lancement
Le contenu post-lancement constitue le lien essentiel entre la dynamique du lancement et la rentabilité long-terme. Le changement stratégique est profond : il ne s'agit plus de maximiser les revenus au jour J puis d'accepter une décroissance inévitable, mais d'augmenter la "lifetime value" moyenne de chaque joueur.
Un joueur n'achète plus seulement le jeu, il revient régulièrement dépenser pour de nouveaux contenus, parfois sur plusieurs années.
Pour les jeux solo, la réussite passe par :
- traiter les DLC comme un pilier de revenus pluriannuel,
- aligner les types de contenu sur les forces du genre,
- optimiser la rétention des joueurs qui reviennent,
- utiliser les plateformes d'abonnement comme moteurs d'upsell, non comme objectif final.
Les studios qui maîtrisent ces dynamiques comprennent que le lancement n'est que le début du cycle de vie commercial.