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Le télétravail en question, quels droits, quelles limites ?


Le télétravail en question, quels droits, quelles limites ? Le télétravail s'est beaucoup développé depuis la période pandémique ; cependant, de nombreuses questions se posent encore et quelques jurisprudences commencent à délimiter certains contours en la matière, notamment dans le cas d'un accident du travail qui a lieu pendant le télétravail.

Même si de nombreux droits sont actés par les textes, les juridictions les appliquent très strictement.

Les experts[1] du groupe SVP, service historique d'information et d'aide à la décision des entreprises (6000 structures clientes), font le point sur ces problématiques.

Le salarié peut-il travailler depuis un autre lieu que son domicile principal ?

Le salarié dispose de la liberté de choisir son domicile. Ce choix relève de sa vie privée.

Selon la jurisprudence, l'employeur peut toutefois apporter une restriction à cette liberté, notamment en insérant une clause de domicile, à condition que cette restriction soit indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise et proportionnée, compte tenu de l'emploi occupé et du travail demandé, au but recherché.

Ce principe peut être étendu au télétravail. Légalement, rien n'interdit au salarié de télétravailler depuis un autre lieu que son domicile habituel (par exemple dans sa résidence secondaire).

L'employeur ne peut restreindre cette liberté, et imposer que le salarié télétravaille depuis son domicile habituel, que s'il justifie d'un motif légitime. L'employeur pourrait par exemple évoquer la nécessité de pouvoir revenir rapidement sur le lieu de travail en cas d'urgence, d'être disponible en cas de besoin.

Il peut être opportun pour l'employeur de fixer les conditions afférentes au lieu de télétravail dans l'accord collectif ou la charte organisant le télétravail.

Il pourra également demander une attestation d'assurance habitation couvrant les risques professionnels pour cet autre lieu de télétravail.

NB : rien n'interdirait non plus l'exercice du télétravail depuis l'étranger. Néanmoins, une telle situation soulève des questions de législation du travail et de sécurité sociale applicable, et nécessiterait donc l'accord de l'employeur.

Un accident survenu au domicile du télétravailleur est-il un accident du travail ?

L'accident survenu sur le lieu où est exercé le télétravail pendant l'exercice de l'activité professionnelle du télétravailleur est présumé être un accident du travail. Ce principe est rappelé par l'ANI[2] pour une mise en oeuvre réussie du télétravail du 26 novembre 2020.

Le télétravailleur bénéficie donc d'une protection comparable à celle d'un salarié occupé sur le site de l'entreprise, et ce même si le salarié a choisi de télétravailler en un autre lieu que son domicile habituel.

En cas d'accident, l'intéressé doit informer son employeur dans les meilleurs délais (l'administration recommande l'envoi d'un courrier recommandé).

Il appartient donc à l'employeur d'effectuer une déclaration comme d'ordinaire en fonction des éléments portés à sa connaissance.

Deux arrêts récents, rendus à l'occasion d'accidents survenus en télétravail pendant la crise sanitaire de 2020, précisent l'application de la législation sur les accidents du travail des télétravailleurs.

En effet, un arrêt de la Cour d'appel d'Amiens du 15 juin 2023 rappelle qu'une chute accidentelle qui s'est produite alors que la salariée a terminé sa journée de travail à 1 minute près n'est pas considérée comme un accident du travail. Il convient de préciser que dans le cas d'espèce, une pointeuse a permis d'établir clairement la frontière entre activité professionnelle et vie personnelle.

Un autre arrêt de la Cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion du 4 mai 2023 a également invalidé un accident survenu pendant le télétravail concernant un salarié qui est sorti sur la voie publique, ce qui a entraîné la cessation de sa mission pour un motif personnel.

Ces arrêts nous permettent de définir les contours de la qualification d'accident du travail lorsque le salarié est en télétravail, et de considérer que l'appréciation des conditions de reconnaissance professionnelle de l'accident en télétravail est analysée strictement par les juridictions compétentes.

Un télétravailleur doit-il bénéficier des mêmes augmentations qu'un salarié qui travaille sur site ?

L'ensemble des dispositions légales et conventionnelles applicables aux relations de travail s'appliquent aux salariés en télétravail.

Ainsi un télétravailleur a les mêmes droits légaux et conventionnels que le salarié qui exécute son travail dans les locaux de l'entreprise, dans une situation comparable.

Cependant, il est possible pour tenir compte des particularités du télétravail de conclure des accords spécifiques complémentaires collectifs et/ou individuels.

L'employeur qui décide d'une augmentation salariale à l'ensemble de ses collaborateurs doit en faire bénéficier les télétravailleurs.

L'employeur a-t-il l'obligation de prendre en charge les frais occasionnés par le télétravail ?

L'ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017 a supprimé dans le Code du travail l'obligation pour l'employeur de prendre en charge tous les coûts découlant directement de l'exercice du télétravail.

Toutefois, il ne semble pas que la suppression de ce texte signifie que l'employeur soit dispensé de toute prise en charge.

En effet, une jurisprudence constante, en matière de frais professionnels, pose pour principe que les frais qu'un salarié expose pour les besoins de son activité professionnelle doivent être supportés par l'employeur.

Par ailleurs, l'accord national interprofessionnel du 26 novembre 2020 pour une mise en oeuvre réussie du télétravail, étendu par arrêté du 2 avril 2021, prévoit que les frais liés au télétravail doivent être pris en charge par l'employeur.

Cette prise en charge peut prendre deux formes :

  • soit le remboursement des frais exposés sur la base de leur valeur réelle sur justificatifs,
  • soit le versement d'une allocation forfaitaire dont le montant varie en fonction du nombre de jours télétravaillés. L'indemnité forfaitaire est réputée utilisée conformément à son objet et est exonérée de cotisations et contributions sociales dans des limites revalorisées chaque année au 1er janvier.

Pour l'année 2024, l'allocation forfaitaire est exonérée dans la limite globale de 10,70€ par mois en cas de télétravail une fois par semaine, 21,40€ en cas de télétravail 2 jours par semaine, etc.

En cas d'allocation fixée par jour, cette allocation forfaitaire de télétravail est exonérée de cotisations et contributions sociales dès lors que son montant journalier n'excède pas 2,70€, dans la limite de 59,40 € par mois.

Notes et références

1. Experts signataires : Lucile Douchet, Sonia Yangui, Estelle Damilano et Christine Robat

2. ANI : Accord national interprofessionnel - https://www.cse-guide.fr/accord-national-interprofessionnel/

Publié le 12 mars 2024 par Emmanuel Forsans
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