Graphismes vidéoludiques : la question de la propriété
Conférence enregistrée le 9 novembre à Paris dans le cadre du 6e colloque du Conservatoire national du jeu vidéo (CNJV) ayant pour thème "Dessine-moi un jeu vidéo !"
Geoffray Brunaux, professeur de droit privé à la Faculté de Reims, introduit sa conférence en expliquant comment les jeux vidéo, bien au-delà du droit d'auteur, impliquent des problématiques juridiques diverses telles que le droit pénal, le droit de la consommation et le droit à l'image. Il revient sur sa découverte de ces questions à travers un incident impliquant des comptes volés dans World of Warcraft et leur revente en ligne, révélant l'étendue juridique du domaine vidéoludique.
La genèse des contentieux juridiques des jeux vidéo
En retraçant l'histoire des graphismes dans le jeu vidéo, Geoffray Brunaux cite le procès autour de Pong dans les années 1970. Contrairement à une simple question de droit d'auteur, ce litige a été résolu sur le terrain du droit des brevets. Cela démontre que le jeu vidéo, à ses débuts, n'était protégé que via ses composantes techniques et non ses graphismes en eux-mêmes.
Evolution des protections légales : du droit d'auteur au droit à l'image
L'amélioration des graphismes dans les années 1980 avec des jeux comme Super Mario Bros. ou Indiana Jones a permis une reconnaissance artistique et donc une protection par le droit d'auteur. Geoffray Brunaux précise que les droits appartiennent soit aux créateurs individuels, soit aux studios via des clauses de cession de droits dans les contrats de travail.
Le droit à l'image devient une problématique majeure avec l'apparition d'acteurs numérisés comme dans Mortal Kombat. Des contentieux célèbres incluent l'affaire Call of Duty impliquant Manuel Noriega ou encore le litige entre Rockstar Games et Lindsay Lohan concernant GTA V. En France, le droit à l'image est plus strict qu'aux Etats-Unis où la liberté d'expression prévaut souvent.
La distinction entre oeuvres dérivées et inspirations légitimes
Les jeux s'inspirant de propriétés existantes sans autorisation, comme Donkey Kong vs. King Kong, ont généré des procès marquants. Les décisions juridiques distinguent entre contrefaçon et adaptation licite en analysant le degré de ressemblance et le risque de confusion. Parfois, comme pour League of Legends et le footballeur Edgar Davids, une trop grande similitude entraîne une condamnation.
Le cas particulier des genres graphiques
Geoffray Brunaux aborde également la question des genres graphiques comme le pixel art avec des jeux tels que Shovel Knight. Il souligne qu'un style ou un genre ne peut être protégé par le droit d'auteur, de la même manière qu'un genre cinématographique ne l'est pas. La protection s'applique uniquement à des oeuvres spécifiques et non à leurs catégories générales.
Gameplay et protection juridique
Un cas notable est le litige concernant Alone in the Dark, où le gameplay a été reconnu comme une création protégeable. Cette décision a soulevé des questions sur la protection du genre survival horror et le risque de monopolisation du style par un seul créateur.
Conclusion : Un équilibre délicat
Geoffray Brunaux conclut en montrant que la protection des graphismes vidéoludiques repose sur une combinaison complexe de droits : droit d'auteur, droit des brevets et droit à l'image. Il plaide pour un équilibre afin de préserver la liberté créative tout en protégeant les droits des créateurs.