Entrée en vigueur de la "taxe YouTube"
Amélie Blocman - Légipresse
Entérinée par le décret n° 2017-1364 du 20 septembre 2017, la taxe sur les revenus publicitaires des sites mettant à disposition des vidéos gratuites ou payantes sur internet (dite "Taxe YouTube") va rentrer en vigueur. Cette "taxe vidéo" de 2% est affectée au Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) pour financer le soutien à la création. Son origine remonte à 1993 pour les vidéos physiques (VHS/DVD). En 2004, cette taxe a été élargie aux sites français payants de vidéo à la demande. En 2013, le Parlement français a étendu la taxe aux plateformes de vidéos payantes installées à l'étranger en l'adossant sur leur chiffre d'affaires réalisé en France grâce à leurs abonnés. En 2016, une nouvelle extension a été votée par le Parlement pour toutes les plateformes composées majoritairement de vidéos gratuites, qu'elles soient établies en France ou à l'étranger. Elle porte dans ce cas sur les revenus publicitaires de ces plateformes. Ces deux dernières extensions, après avoir été soumises à l'examen de la Commission européenne, peuvent désormais entrer en vigueur grâce à la publication du décret. "Désormais, toutes les plateformes de vidéos, payantes ou gratuites, qu'elles soient établies en France ou à l'étranger, seront soumises aux mêmes règles fiscales sur leur chiffre d'affaires réalisé en France".
Par le vote de la loi de finances rectificative du 29 décembre 2016, les parlementaires français avaient intégré dans l'assiette de la taxe sur les ventes et location de vidéogrammes (taxe vidéo et VàD), les revenus publicitaires des sites mettant à disposition des vidéos gratuites ou payantes sur internet, au bénéfice du CNC (nouvel article 1609 sexdecies B du Code général des impôts). Sont redevables tant les éditeurs de services de médias audiovisuels à la demande que les plateformes communautaires (du type YouTube ou Dailymotion), dès lors qu'elles permettent d'accéder à des contenus audiovisuels. Ainsi, la taxe est due par tout opérateur, quel que soit son lieu d'établissement, proposant un service en France qui donne ou permet l'accès, à titre onéreux ou gratuit, à des œuvres cinématographiques ou audiovisuelles ou autres contenus audiovisuels. Le taux de la taxe, de 2 %, passe à 10 % lorsque les recettes publicitaires ou de parrainage sont liées "à la diffusion de contenus et œuvres cinématographiques ou audiovisuelles à caractère pornographique ou violent".
L'assiette de la taxe est le montant hors TVA des sommes versées par les annonceurs et les parrains, pour la diffusion de leurs messages publicitaires et de parrainage sur les services visés, aux redevables concernés ou aux régisseurs de messages publicitaires et de parrainage. Ces sommes font l'objet d'un abattement forfaitaire de 4 %, porté à 66 % pour les services donnant ou permettant l'accès à des contenus audiovisuels créés par des utilisateurs privés à des fins de partage et d'échanges au sein de communautés d'intérêt. Pour les services de médias audiovisuels à la demande, l'assiette de la taxe est le prix acquitté en contrepartie de l'accès à des œuvres cinématographiques et audiovisuelles. Ne sont pas comprises dans l'assiette de la taxe les sommes versées par les annonceurs et les parrains, pour la diffusion de leurs messages publicitaires et de parrainage sur les services de télévision de rattrapage, qui sont déjà soumises à une autre taxe.
"C'est une nouvelle étape dans l'intégration des plateformes de vidéos dans l'écosystème de financement des œuvres françaises et européennes", déclare Françoise Nyssen, ministre de la Culture. Pour Frédérique Bredin, présidente du Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) : "C'est une grande victoire pour l'exception culturelle. (…) Nous sommes avec l'Allemagne les premiers à intégrer les grandes plateformes étrangères dans notre écosystème, pour financer la création". A contrario, l'Association des Services Internet Communautaires (ASIC) déplore : "aucun YouTubeur ou MotionMaker n'est en mesure de bénéficier d'un quelconque centime d'euro de la part du CNC pour ses courtes vidéos diffusées exclusivement sur le réseau Internet". L'ASIC demande donc que "a minima 30 % de l'ensemble des aides octroyées par le CNC soient fléchées au bénéfice des créateurs présents uniquement sur des plates-formes en ligne".