La position de GitHub sur la directive européenne sur le droit d'auteur
Le vote final de la, très controversée, directive sur le droit d'auteur a eu lieu hier. Bien qu'une réforme du droit d'auteur soit nécessaire, les approches spécifiques décrites dans cette proposition posent nombre de problèmes, notamment pour les développeurs. Ces derniers ont d'ailleurs pris part aux discussions et ont exprimé leurs préoccupations concernant les impacts négatifs que la directive pouvait avoir sur leur activité. Les décideurs ont pris en compte ces commentaires et, grâce aux développeurs, ont réduit l'impact potentiel sur les logiciels. Cela a également contribué à augmenter la visibilité des logiciels à open source dans le domaine politique. Retour sur l'origine de cette réglementation :
La décision de cette semaine
En septembre dernier, deux ans après la première proposition de directive sur le droit d'auteur par la Commission européenne, le Parlement européen venait d'adopter sa version personnelle de la loi. Pour rappel, les trois institutions de l'UE - la Commission, le Conseil et le Parlement - doivent s'accorder sur une version unique de la directive sur le droit d'auteur pour que celle-ci devienne une loi.
La décision prise par le Parlement en septembre a déclenché des négociations conjointes entre la Commission, le Conseil et le Parlement (appelées "trilogues") le mois suivant. Depuis lors, ces derniers ont essayé de s'accorder sur une version unique mais se sont retrouvés dans une impasse en janvier.
Le 8 février 2019, le Conseil a révisé sa position dans l'espoir de permettre une avancée décisive dans les trilogues. C'est la raison pour laquelle la Commission européenne, le Conseil et le Parlement se sont réunis cette semaine pour discuter des différences entre chacune de leurs versions de la directive sur le droit d'auteur pour essayer d'arriver à une version unique. Cette fois-ci, ils ont pu parvenir à un accord, et GitHub demeure en dehors de son champ d'application.
Ensuite, cette version approuvée conjointement ira à la fois au Conseil et au Parlement pour des votes finaux afin de décider si elle devient une loi. À ce stade, chaque institution peut accepter ou rejeter le projet de loi. Ils peuvent également adopter la loi tout en acceptant ou en rejetant certains articles. Les plateformes de développement et partage de logiciels open source telles que GitHub devraient rester hors de portée.
Ce qui s'est passé depuis septembre
En septembre 2018, GitHub a publié un blog sur le sujet. Ci-dessous, le détail de l'évolution de l'analyse de GitHub sur la directive sur le droit d'auteur depuis le vote du Parlement en septembre :
On September 12, the EU Parliament voted to :
On February 11, the EU Parliament, Council, and Commission voted to :
- Make content-sharing platforms directly liable for copyrighted content that users upload, which could lead to use of upload filters (Article 13)
- Exclude "open source software developing platforms" from that liability and need for upload filters (Article 2)
- Exclude "open source software developing and sharing platforms" from that liability and need for upload filters (Article 2)
- Allow an exception for text and data mining only by research institutions for scientific purposes on a "non-for-profit" basis, with only an "optional" exception for others (Article 3)
- Create a mandatory exception for text and data mining on large datasets but with an opt-out for rightholders who do not want the exception to apply to their works (Article 3)
- Create a new right for press publishers to require a license to use content of news articles except for "mere hyperlinks, which are accompanied by individual words" (Article 11)
- Create a new right for press publishers to require a license to use content of news articles except for "individual words" or "very short extracts" (Article 11)
- Exclude software developers from articles related to the principle of appropriate and proportionate remuneration. (Those articles cover reporting requirements and contract adjustment rights related to remuneration for rightholders, and resolution of disputes about reporting or contract adjustment rights. They also provide the right to revoke an exclusive license or transfer of rights where the copyrighted work hasn't been exploited.)
En résumé, l'article 13 imposerait toujours une responsabilité aux plates-formes, ce qui conduiraient à l'utilisation de filtres de téléchargement. Dans la version précédente, les "plates-formes de développement de logiciels open source" étaient exclues de la portée. Cette exception est maintenant un peu plus large : "les plates-formes de développement et de partage de logiciels open source". L'exception facultative pour l'extraction automatique de texte et de données est devenue obligatoire. En ce qui concerne le nouveau droit des éditeurs de presse, là où la version précédente disait "de simples mots", la nouvelle indique des "mots individuels ou de très courts extraits". L'une des grandes nouveautés de ce vote de Septembre dernier est que les développeurs de logiciels sont exclus d'un ensemble d'articles relatifs à la rémunération.
Ce que cela signifie pour le Logiciel
Les implications pour les logiciels ont également été impactées depuis la publication, en septembre dernier, du blog de GitHub.
If Parliament's version of the Copyright Directive becomes the law :
If the Parliament and Council each vote to approve the latest version of the Copyright Directive so it becomes the law :
- Sites that host user-generated content may need to filter content that users upload, but "open source software developing platforms" (like GitHub) wouldn't need to. We supported a broader exclusion for software development platforms, archives, and repositories, as it would have protected more of the software development community. However, Parliament adopted the narrower language. Since elements of software development happen beyond that narrow exclusion, developers would need to consider whether they might be subject to liability for the content they host and resort to measures like filtering.
- Sites that host user-generated content may need to filter content that users upload, but "open source software developing and sharing platforms" (like GitHub) wouldn't need to. We supported a broader exclusion for software development platforms, archives, and repositories, as it would have protected more of the software development community. However, the three EU institutions adopted narrower language though they broadened it slightly by adding "and sharing" platforms. Since elements of software development happen beyond that narrow exclusion, developers would need to consider whether they might be subject to liability for the content they host and resort to measures like filtering.
- Developers may need licenses to mine content-including for artificial intelligence and machine learning-unless individual EU countries decide to adopt an exception from text and data mining that would cover them. Without a mandatory broader exception, developers would be subject to a patchwork of regulations across different EU countries.
- Individual EU countries decided to make the broader exception from text and data mining, which could apply to mining content for artificial intelligence, mandatory. Without a mandatory broader exception, developers would have been subject to a patchwork of regulations across different EU countries.
- Developers who link to news articles may need to pay to use content like article headlines or snippets. It may take a judge to interpret what the phrase "individual words" means exactly in the hyperlinks press exception we called out above. In the meantime, developers would need to be careful about what content they include to describe links.
- Developers who link to news articles may need to pay to use content like article headlines or snippets. It may take a judge to interpret what the phrase "individual words" or "very short extracts" means exactly in the hyperlinks press exception we called out above. In the meantime, developers would need to be careful about what content they include to describe links.
- Software development platforms aren't subject to remuneration- related reporting and contract requirements that are irrelevant to open source software developers.
Ces modifications impliquent que les développeurs peuvent être tenus responsables du contenu qu'ils hébergent et qu'ils peuvent être amenés à recourir à des mesures, telles que le filtrage, s'ils hébergent du contenu en dehors de "plates-formes de développement et de partage de logiciels open source" (là encore, les plateformes de partage de logiciels open source ont été ajoutées). L'exception plus large concernant l'exploration de texte et de données ("text-and-data-mining"ou TDM) limite les circonstances dans lesquelles les développeurs ont besoin de licences pour exploiter le contenu de grands ensembles de données, ce qui est essentiel pour le développement de l'intelligence artificielle et de l'apprentissage automatique en Europe. Le fait que cette exception pour le TDM soit obligatoire signifie que chaque pays de l'UE doit l'intégrer à sa législation nationale, bien que l'article permette également aux éditeurs de refuser que cette exception s'applique à leurs oeuvres. En ce qui concerne l'article 11 qui fait référence aux éditeurs de presse, les tribunaux auront la liberté d'interpréter ce qui compte comme "mots isolés ou de très courts extraits".
Sur un plan plus général, la réforme du droit d'auteur se fait attendre depuis longtemps. Certains éléments de la directive sur le droit d'auteur, tels que la protection du domaine public et la facilitation de l'accès aux oeuvres "hors commerce", constituent une étape positive visant à mettre à jour le cadre juridique pour mieux l'adapter au monde numérique actuel.
Mais les articles 11 et 13 ébranleraient les protections qui ont fait d'Internet un lieu de collaboration créatif et d'accès au savoir, non pas uniquement pour le développement logiciel, mais pour toutes sortes de contenus. Les personnes utilisant Internet pour écrire, faire des recherches ou travailler ensemble dans de nombreux domaines auront à y perdre si un coût est ajouté à des bribes de textes et que les contenus qu'ils mettent à disposition soient injustement censurés. Il n'est donc pas surprenant que ces deux articles aient été aussi controversés tout au long des négociations. Communia a d'ailleurs créé un organigramme ainsi qu'une explication des conséquences de l'article 13.
Comment les développeurs ont permis de protéger la collaboration logicielle
Au cours de ces derniers mois, la communauté des développeurs s'est jointe à GitHub pour aider les décideurs politiques à comprendre les conséquences que pourraient avoir la Directive sur le droit d'auteur sur les logiciels. GitHub s'est principalement concentré sur l'article 13 parce qu'il proposait d'exiger que certains services de partage d'information filtrent leur contenu pour déceler toute violation potentielle du droit d'auteur et, au départ, cette catégorie aurait inclus les plateformes de développement logiciel. Il est peu probable que les filtres soient efficaces pour détecter la violation du code d'un logiciel, étant donné le nombre de contributeurs, les licences sur les dépendances et la complexité des exigences en matière de licences. Les faux positifs feraient disparaître les dépendances, brisant les compilations de logiciels.
La communauté a parlé, et les décideurs politiques ont écouté. Il aura fallu un certain suivi pour que les nuances de langage soient correctes, mais en fin de compte, l'article 13 exclut de son champ d'application les "plates-formes de développement et de partage de logiciels libres".
Cela signifie que même si la directive est adoptée, les plates-formes comme GitHub n'auront pas à filtrer, ou à prendre d'autres mesures pour surveiller leurs utilisateurs. La communauté a ainsi protégé cette possibilité pour les développeurs de créer ensemble sites internet, applications ou encore programmes : protégeant de fait les secteurs économiques et services qui en dépendent.
Comment les développeurs ont influencé le futur de la réglementation sur la création logicielle
Au-delà des améliorations concrètes apportées à des parties spécifiques de la directive sur le droit d'auteur, les développeurs ont accru la visibilité de l'open source, et du développement de logiciels en général, auprès des responsables politiques. Ces derniers ont par ailleurs expliqué ne pas avoir pensé au développement logiciel lors de la rédaction de cette réglementation. Les trois institutions de l'UE impliquées dans les négociations ont reconnu par la suite que les logiciels étaient couverts par inadvertance parce que le code est protégé par le droit d'auteur et qu'elles devaient modifier la proposition pour protéger les logiciels. C'est ce qu'ils ont fait. Ils sont même allés jusqu'à ajouter un nouvel article, "Exclusion des développeurs de logiciels" relatif à une section sur la rémunération, reconnaissant que ces règles ne devraient pas s'appliquer aux développeurs de logiciels open source puisque les licences open source ne prévoient pas de rémunération pour les ayants droit. Préserver l'open source est un sujet distinct sur lequel GitHub travaille, mais il est clair que restreindre l'accès au code par le biais de cette réglementation aurait eu un impact négatif sur la liberté sur laquelle l'open source s'appuie pour exister.
La communauté a ainsi dynamisé la collaboration qui lui est inhérente (des développeurs, aux chercheurs, en passant par les entreprises) et ce, au-delà des frontières nationales, ayant ouvert la voie à une action collective pour la protection des logiciels. La question de savoir si la directive sur le droit d'auteur sera finalement approuvée reste en suspens, mais quoi qu'il arrive, les décideurs politiques ont pris conscience du devoir qu'ils ont de prendre en compte le développement de logiciels et l'écosystème de l'open source dans leur processus décisionnel. La communauté a laissé un impact durable sur la façon dont les logiciels et l'open source sont perçus non seulement dans l'espace politique, mais dans le monde entier.
Il est encore temps de s'engager et de prendre la parole
Le Conseil et le Parlement décideront d'approuver ou de rejeter la loi en mars ou en avril. Quiconque peut encore contacter le Conseil et les membres du Parlement pour les remercier d'avoir protégé le développement de logiciels et leur expliquer les problèmes qui subsistent pour l'Internet au sens large aux articles 11 et 13.